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À l’occasion du premier anniversaire de la guerre en Ukraine, Save Africans-Ukraine, Droit de Rester et Solidarité sans frontières publient un communiqué sur la situation des étudiants d’États tiers fuyant le conflit, avec à l’appui un rapport sur leur situation et des recommandations.

Communiqué de presse

Un an de guerre en Ukraine, un an d’abandon des étudiants d’États tiers par la Suisse et l’Europe

Sion, Neuchâtel, Berne (Suisse), le 24 février 2023- Après un an de guerre en Ukraine, les étudiants d’États tiers fuyant le conflit sont toujours en quête d’une protection concrète de la part de la Suisse et de l’Europe, déclarent trois organisations suisses.

Les étudiants non ukrainiens sont dans un profond désarroi du fait de ne pouvoir bénéficier de conditions de séjour favorisant la poursuite de leurs études, contrairement à leurs homologues de nationalité ukrainienne, déclarent Save Africans-Ukraine(SA-U), Droit de Rester Neuchâtel (DdR) et Solidarité sans frontières (Sosf).

Nous exhortons la Confédération à prononcer un moratoire sur le renvoi des étudiants d’États tiers de Suisse.

Nous demandons à l’Union Européenne d’élargir la protection temporaire aux ressortissants d’États tiers et de mettre en place un dispositif ad hoc permettant aux étudiants de poursuivre leur formation dans les universités et hautes écoles d’Europe.

Save Africans-Ukraine, Droit de Rester Neuchâtel et Solidarité sans frontières sont également préoccupées par le sort des étudiants proches des zones de conflit. Nous demandons à l’ONU de dresser un état des lieux de la situation des étudiants d’États tiers en Ukraine et en Russie, surtout ceux enrôlés de force dans les prisons russes pour combattre sur le champ de bataille.

Contacts presse

Etonam Ahianyo : +41 78 243 09 10 

Louise  Wehrli    :  +41 76 616 10 85

 

Rapport sur la situation des étudiants d’États tiers fuyant l’Ukraine 

(Rédigé par Save Africans-Ukraine)

Après avoir été victimes de discrimination aux frontières de l’Ukraine durant leur fuite au début de la guerre le 24 février 2022, les étudiants d’États tiers espéraient pouvoir compter sur la solidarité et l’hospitalité de l’Europe.

Un an plus tard, ils sont nombreux à déchanter. «Nous avons vécu en Ukraine le traumatisme des bombardements et les mêmes scènes d’horreurs qui suscitent la solidarité à l’égard des Ukrainiens. Nous demandons juste une solution pour poursuivre nos études le temps de la guerre, mais cette possibilité nous est refusée», déclare dépitée Blessing T, étudiante en médecine en Ukraine avant la guerre.

Un cadre légal exclusif

Un cadre réglementaire restrictif a scellé au début du conflit le sort des ressortissants d’États tiers. Le 4 mars 2022, l’Union européenne a activé la directive relative à la «protection temporaire[1]» en vue de favoriser l’accueil des personnes fuyant la guerre en Ukraine. Plusieurs pays liés par les accords Schengen s’en sont inspirés pour définir leur politique d’accueil des réfugiés ukrainiens.

En Suisse, la Confédération a décidé d’activer, le 11 mars, le statut de protection S[2] pour les personnes affectées par le conflit. Ce statut accorde une protection aux Ukrainiens et à leur famille, aux apatrides et ressortissants de pays tiers bénéficiant d’une protection en Ukraine.

La protection peut être également accordée aux ressortissants d’États tiers victimes de la guerre, à condition qu’ils présentent un titre de séjour valable en Ukraine et qu’ils ne puissent pas rentrer de manière sûre et durable dans leur pays d’origine. Les personnes qui ne font pas partie de ces catégories sont soumises à une procédure d’asile. 

La réalité est que la plupart des étudiants ne répondent ni aux critères d’octroi de la protection temporaire dans les pays de l’UE, ni à ceux du statut de protection S en Suisse, encore moins à ceux de l’asile, car ils étaient en Ukraine pour des études et ne font pas l’objet de menace dans leur pays d’origine.

Que ce soit dans les pays de l’Union Européenne ou en Suisse, les étudiants justifient l’impossibilité de retourner dans leur pays par le fait que leur avenir est suspendu à la poursuite de leur formation de qualité, à laquelle ils n’ont pas souvent accès, dans leur pays d’origine.

En Suisse comme dans d’autres pays d’Europe, la possibilité est offerte aux étudiants de demander un permis d’étudiant sous l’angle du droit des étrangers. Mais cette option ne cadre pas avec leurs réalités. En effet, ils répondent souvent aux critères académiques mais se heurtent surtout aux moyens financiers. Ayant fui la guerre, ils n’ont pas souvent de quoi prouver qu’ils ont en moyenne 20’000 francs suisses ou 10’000 euros pour se payer leurs études.

«Mama Afrika is calling me»

L’impact des conditions d’accueil est pesant. Les étudiants d’États tiers en quête de protection vivent dans la précarité et l’incertitude permanente.

Ceux qui demandent protection en Suisse finissent par quitter ce pays, en laissant derrière eux quelques habits et effets personnels. Sur la centaine d’étudiants qui ont sollicité l’aide de Save Africans-Ukraine, seuls quatre sont encore présents sur le sol suisse. La majorité a préféré partir tenter sa chance ailleurs.

C’est le cas de l’étudiante *Amina Z. qui a dû quitter la Suisse pour un autre pays d’Europe. Face à l’impossibilité d’obtenir un séjour pour poursuivre ses études dans ce dernier pays, elle a sombré dans la dépression et nous a communiqué via message sa décision de retourner dans son pays d’origine. «Mama Afrika is calling me», a-t-elle écrit. Depuis, elle ne répond plus à nos appels.

Pour les étudiants qui sont restés en Suisse, c’est la croix et la bannière. Certains ont eu des décisions négatives à leur demande d’asile, sont à l’aide d’urgence et menacés de renvoi. Cette situation compromet la poursuite de leurs études. À titre d’exemple, un étudiant se trouve obligé de quitter ses cours à Neuchâtel, un vendredi sur deux, pour se présenter au Service de la population de son canton de domicile pour renouveler son aide d’urgence. Des difficultés d’accès au marché minent aussi leur parcours. Une entreprise ouverte à l’octroi d’un stage à un étudiant, y a finalement renoncé au motif qu’il n’a pas de permis de séjour valable.

Enfermés dans des centres et à la merci du groupe Wagner

La situation des étudiants non européens qui n’ont pas pu rallier l’Europe de l’Ouest suscite des inquiétudes. Trois semaines après le début de la guerre, une enquête menée par Lighthouse Reports[3], une ONG néerlandaise constituée de journalistes indépendants spécialisés dans l’investigation, en collaboration avec plusieurs médias dont «The Independant[4]» a fait état de la détention d’étudiants de pays tiers dans des centres fermés en Pologne, avec peu de moyens de communication avec le monde extérieur pour certains.

Au premier anniversaire de la guerre, nous n’avons pas été en mesure de vérifier si ces centres de détention sont toujours opérationnels et le nombre d’étudiants qui y sont détenus. 

 

La situation des ressortissants d’États tiers a été gravement marquée par la mort d’au moins deux étudiants africains sur le champ de bataille en Ukraine. Le premier, Lemekhani Nyirenda, 23 ans, de nationalité zambienne, est décédé le 22 septembre 2022 en Ukraine alors qu’il était censé purger une peine de prison dans la banlieue de Moscou en Russie. Le second, Nemes Tarimo, 33 ans, originaire de la Tanzanie, a également trouvé la mort au front en octobre dernier.

Selon des informations relayées par la presse, les deux victimes ont été recrutées dans des prisons russes par le groupe paramilitaire Wagner. Son chef Evguéni Prigojine a d’ailleurs déclaré que Lemekhani Nyirenda est «mort en héro».

Dans un courrier daté du 17 novembre 2022, Save Africans-Ukraine a demandé au Secrétaire général de l’ONU l’ouverture d’une enquête indépendante pour faire toute la lumière sur ce drame. Il a également demandé à l’instance onusienne de commanditer un rapport qui dressera l’état des lieux de la situation des ressortissants africains et d’États tiers en Ukraine et en Russie, surtout ceux enrôlés de force pour combattre et ceux coincés dans des zones de guerre ou détenus dans des prisons. L’ONU a accusé réception de la requête, mais n’y a pas donné suite.  Le 17 février 2023, trois mois jour pour jour, Save Africans-Ukraine lui a adressé une nouvelle correspondance pour la relancer.

Recommandations formulées par SA-U, DdR et Sosf

 

  • Pour mettre fin à la souffrance des étudiants d’États tiers, Save Africans-Ukraine, Droit de Rester Neuchâtel et Solidarité sans frontières ont soumis avec d’autres partenaires une pétition[5] à l’Union Européenne et au Conseil fédéral. Elle demande à l’instance communautaire d’élargir la protection aux ressortissants d’États tiers et de mettre en place un dispositif ad hoc à l’échelle européenne permettant aux étudiants d’États tiers de poursuivre leur formation dans les universités et hautes écoles d’Europe.

 

L’Union Européenne a accusé réception de la pétition le 25 janvier 2023 et déclaré l’avoir transmise à une commission du Parlement Européen.

De son côté, la Chancellerie fédérale a certifié avoir reçu la pétition le 17 février 2023.

 

  • Nous demandons à la Confédération de prononcer un moratoire sur le renvoi des étudiants d’États tiers de Suisse. Ceci afin de permettre en particulier à ceux qui sont déjà admis dans des universités et hautes écoles d’achever leur formation.

 

  • Nous demandons de surseoir au renvoi de ressortissants d’États tiers fuyant l’Ukraine, au moins jusqu’à l’obtention d’une réponse de l’Union Européenne à la pétition que nous lui avions adressée.


[1]     https://www.consilium.europa.eu/fr/infographics/temporary-protection-displaced-persons/

[2]     https://www.admin.ch/gov/fr/accueil/documentation/communiques.msg-id-87556.html

[3]     https://www.lighthousereports.nl/investigation/ukraine-exodus/

[5]     https://saveafricans-ukraine.ch/petition-ue/

Présentation

Save Africans-Ukraine est un projet de l’association suisse «Causes Oubliées», qui vient en aide aux Africain.es et autres non-Ukrainien.nes fuyant la guerre et défend leurs intérêts partout en Europe.

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